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LA VI E D UN ARTISTE 77 tion : Je découvris de suite les fils qui tiraient les pierres de l’éruption, et puis la Muette se jeta visible- ment, non dans le cratère, mais à côté. Quant à mon oncle, par instant il bondissait sur son siège avec de tels élans d’enthousiasme, qu’il éveillait l’attention railleuse de ses voisins. XXXII Te reverral-je, enfant qui traversas mon rêve, Le temps que met l’étoile à passer dans la nuit?... C’ctaii un jour de mai tranquille oii pour tout bruit Aux branches on croyait ou’ir monter la sève. Lorsqu’elle arriva avec son père, ami du mien, il me sembla qu’un rayon du paradis entrait à la maison, tant son regard céleste vibrait dans ses yeux bleus, tant sa chevelure s’imprégnait de lumière blonde, et tant éblouissait la blancheur rose de son teint. D’où venait-elle? Qu’est-elle devenue? Je l’ignore. Le nom de son père seul est resté dans mon souvenir, vague lui-même, Dubois, ne précisant personne tant il désigne de gens. Et d’où venait le charme qui nous entraîna aussitôt vers elle, tout en nous tenant à distance? Car nous fûmes tout d’abord interdits et honteux. Les autres petites filles ne nous faisaient pas cet effet. Pourquoi oubliâmes-nous nos jouets? Je la vois encore seule au jardin, allant, sans se retourner, le long de la voie. Nous la regardions de loin, en silence. Puis, simulant l’audace, nous nous bousculâmes bruyamment, poussant des rires clairs pour attirer son