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LA VIE D’UN ARTISTE



XCVII



Il y a vingt-cinq ans que j’ai vu le pardon que je viens de décrire (1865). Le caractère de cette fête religieuse a dû, depuis, se modifier beaucoup comme tout le reste.

Que de causes y ont contribué ; surtout la fatale guerre de 1870 qui a appelé tous les jeunes hommes sous les drapeaux. Adieu brogou-craz et longs cheveux. Et puis les bourgeois, qu’attirent les bains de mer, ont envahi les pardons que nous étions autrefois seuls à contempler.

En 1873, nous étions de nouveau à Douarnenez ; et nous passions de délicieuses heures sur les ravissantes petites plages qui se découpent, entre les rochers, au bas de la ville.

Tandis que je me retirais un peu à l’écart pour peindre ou écrire des vers, Virginie, près de sa mère en train de lire ou de coudre, se livrait encore aux jeux de l’enfance avec ses petites compagnes.

Mais, tout en creusant des fossés autour des châteaux de sable, en attendant la vague qui allait les emporter, elle observait, sans en avoir l’air, tout ce qui se passait alentour : petits baigneurs plongeant dans des éclaboussures de soleil, enfants se roulant sur le sable et lavandières aux rapides et clairs battoirs.

Et, de retour dans notre chambre, elle dessinait tout