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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

l’âme. La température devint ensuite excessivement chaude et le sol fut par trop couvert de plantes rampantes ; j’en étais assoupie et fatiguée. À l’une des stations, quelques femmes à la physionomie espagnole entrèrent dans la voiture. Elles avaient l’air de paysannes, étaient bien vêtues et tête nue ; plusieurs d’entre elles, fort jolies, à la taille pleine et fière, traitèrent d’une manière remarquablement hautaine et disgracieuse une couple de galants qui les avaient accompagnées ; ils les accablaient de bouquets d’un air peu désespéré et plutôt rusé, quand ils se retirèrent sans avoir obtenu un seul regard de ces fières beautés. Cet épisode me réveilla un peu, et j’ouvris tout à fait les yeux lorsque, dans l’après-midi, la perspective, se développant avec splendeur, nous montra Matanzas. Sa magnifique baie était dans ce moment du bleu le plus transparent ; on voyait au fond la haute chaîne de montagnes appelée le Pain de Matanzas.

Les zéphyrs les plus frais, les plus délicieux m’accueillirent, et à la station du chemin de fer deux messieurs à la physionomie agréable me souhaitèrent la bienvenue. L’un était mon jeune compatriote, M. Frank de Gothembourg, établi à Matanzas en qualité de premier commis dans une grande maison de commerce, et l’autre, M. Baley, qui venait me chercher avec sa volante pour m’emmener chez lui, où je fus reçue avec cordialité et amitié par sa jeune femme.

J’ai passé avec ces aimables époux une vie paisible et charmante ; je me suis ranimée corps et âme, soit dans leur foyer, — ma jeune hôtesse est fille d’un Anglo-Américain, et tout dans sa maison est marqué au coin de la propreté, de l’ordre, du bien-être qui distinguent les maîtresses de maison de cette race, — soit par mes promenades soli-