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LA VIE DE FAMILLE

pommes de terre et un champ de choux comme des connaissances et de vieux amis. Le pays entier ressemblait à un immense jardin ; de tous côtés de beaux palmiers se balançaient au vent du matin et à l’horizon se dressait une chaîne de sombres monticules bleus.

Je me portais parfaitement, mon âme et mon corps avaient des ailes, et je voltigeais sur cette belle et brillante terre.

Peu à peu, les villas, les champs de cannes à sucre et autres plantes disparurent. Nous traversâmes des forêts de bananiers. Ensuite le sol devint plus sauvage et se couvrit ainsi que les arbres de plantes parasites ; elles prirent bientôt le dessus et parurent étouffer les autres. Plusieurs jardins portaient sur les branches de leurs arbres des jardins entiers de plantes aériennes, orchidiées et aloès. C’était bizarre, pas agréable, quoique plusieurs de ces parasites eussent de jolies fleurs ; c’était lourd et contre nature. Dans un champ non loin de la route, j’ai vu un ceiba de haute taille à demi mort : une plante parasite, le yaguay-embra (figuier femelle) enlaçait son tronc de ses cent bras semblables à des serpents, depuis la racine jusqu’à la tête et l’avait presque étouffé. Cette lutte à mort entre le ceiba et la plante parasite féminine qui se nourrit de sa vie et finit par la détruire, est fréquente à Cuba. C’est un spectacle des plus remarquables et même hideux, c’est l’image d’une tragédie qui rappelle Hercule et Déjanire.

La première partie de la journée et du voyage fut remplie de jouissances, au nombre desquelles je dois compter de petites provisions de voyage que madame Tolmé m’avait données. La reconnaissance et la joie que la bonté des autres me font éprouver est la meilleure nourriture de