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LA VIE DE FAMILLE

agréables, ayant le goût de l’ananas. Il y avait aussi par-ci par-là dans les haies des orangers, et ces plantes ou arbres élevés ayant la forme de candélabres déjà remarqués par moi sur les hauteurs avoisinant le port de la Havane. Je ne puis parvenir à savoir leur nom ou celui de leur espèce. Ces haies vivaces diffèrent essentiellement des nôtres ; mais elles sont plus bizarres que jolies : on m’a parlé d’une foule de belles fleurs qui s’ouvrent seulement la nuit au clair de lune, entre autres Cérès.

Parmi les merveilles produites ici par le soleil, celles qu’il opère dans les profondeurs de la mer sont les plus frappantes, car il lance son arc prismatique dans les eaux et colore les poissons. J’ai visité hier la poissonnerie de la Havane ; j’engage tout étranger qui viendra dans cette ville à ne pas manquer d’aller voir ce spectacle remarquable. Les poissons rayonnent de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avec une netteté et un éclat sans égal. Ils sont bleus, jaunes, rouges, couleur d’or, rayés jaune et violet, etc. C’est la plus jolie réunion de poissons qui se puisse imaginer. Au fond de la mer, autour de Cuba, croissent des algues extrêmement belles et de magnifiques coraux.

Madame Tolmé m’a invitée plus d’une fois à l’accompagner à l’Opéra, mais je suis ici tellement avide d’air et de clair de lune, que je préfère passer la soirée à la Place d’Armes. La nature, à Cuba, est pour moi le numéro un, les hommes et le spectacle sont le numéro deux. Cependant je me rendrai demain à une grande soirée chez le consul d’Angleterre, M. Crawford, et j’y verrai les beautés espagnoles ; puis je dirai adieu à la Havane pour quelque temps. J’ai reçu deux invitations qui m’ont fait beaucoup de plaisir. L’une d’elles m’est adressée par une maison