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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

tifs vivent au milieu de ces montagnes et se sont retranchés dans leurs innombrables grottes et cavernes de telle sorte qu’on n’ose pas les y poursuivre. Ils y ont construit des habitations, possèdent des fusils et paraissent avoir été assez nombreux pendant quelque temps (plusieurs mille, dit-on) pour donner de l’inquiétude au gouvernement de Cuba ; mais la difficulté de se procurer des vivres à une pareille hauteur a diminué considérablement leur nombre dans ces derniers temps. Ils préfèrent mourir libres dans ces rudes montagnes, plutôt que d’en descendre pour vivre parmi des hommes plus rudes encore.

Les palmiers représentent continuellement ici des figures significatives, surtout quand ils sont isolés ou dispersés en petits groupes. Cet arbre est toujours le plus noble, suivant moi, et celui qui ressemble le plus à l’homme. J’ai remarqué ce jour-là, en retournant à la ville, deux palmiers qui étaient seuls dans un champ. Un petit espace les séparait, mais leurs tiges penchées l’une vers l’autre avaient fini par réunir leurs couronnes. Leurs palmes au doux murmure s’étaient enlacées et formaient une belle arcade gothique. C’est ainsi que deux ennemis au noble caractère grandissent parfois ensemble et se rapprochent à mesure qu’ils sont plus près du ciel.

La route passait continuellement entre des haies vives composées la plupart d’énormes aloès dont les feuilles pointues, épineuses sur toutes leurs faces, défendaient d’approcher. Au centre de ces haies, je vis se dresser de grandes spirales de fleurs rouges et blanches, pas écloses encore, et M. Tolmé eut la bonté d’en cueillir quelques-unes pour moi. Elles ressemblaient de loin à d’énormes spirales d’hyacinthes grosses comme le bras : c’étaient de belles fleurs d’aloès qui donnent des fruits fondants fort