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LA VIE DE FAMILLE

Madame Schneidler passe ses matinées à donner des leçons à ses filles dans une salle dont les portes sont ouvertes sur la terrasse et de là sur la rue ou sur la route. Quand les gens de la campagne, toujours des hommes, arrivent avec leurs petits chevaux pesamment chargés de légumes, de fruits, de volailles, l’un ou l’autre s’arrête devant la porte, appelle la « senora, » demande s’il lui faut ceci ou cela : elle répond quelques mots en espagnol, — belle et mélodieuse langue ; — l’affaire se décide avec peu de paroles et sans que la maîtresse de maison ait besoin de se déranger. La vie pourrait être très-facile ici. Le soir, après le thé, nous sommes assises sur la terrasse dans des balançoires, vêtues aussi légèrement que la décence peut le permettre, et nous jouissons de l’air, d’un délicieux « far niente ; » tout est si paisible dans le petit village ! Reposer ici, c’est vivre et jouir.

Mes hôtes m’ont conduite dans quelques-uns des magnifiques jardins de l’aristocratie du voisinage. Ils sont jolis mais guindés ; tout est aligné le long des allées sablées ; les formes naturellement régulières des arbres des tropiques contribuent à cette roideur quand ils ne sont pas groupés avec un esprit d’artiste poétique. Le joli jardin du comte Hernandinos possède un cercle de palmiers royaux plantés dans cet esprit. Ils forment la plus belle rotonde colonnes qu’on puisse imaginer. Les couronnes se joignent par le haut, entrelacent leurs branches ; il en résulte une guirlande verte gigantesque qui s’agite et murmure au vent, tandis que la voûte bleue du ciel brille avec netteté à travers ce feuillage.

Je suis allée tous les jours dans le parc de l’évêque ; mais un matin j’y fus poursuivie par quelques nègres demi-nus, d’un extérieur affreux ; ils me disaient probablement des