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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

feuilles du bananier murmurer sous ma fenêtre, en sentant les vents de la nuit circuler autour de moi comme des ailes d’ange, m’a paru ravissante et d’une beauté tellement magique, que j’ai dormi à peine. Je me suis levée plusieurs fois pour contempler le ciel et la terre ; j’ai vu alors une constellation d’une splendeur et d’une magnificence sans égale passer au-dessus de la colline aux cocotiers. Était-ce le navire l'Argos ou le Sagittaire ? — Je l’ignore, et ne sais pas encore quelles sont les constellations de l’hémisphère du Sud qu’on peut voir ici ; personne n’a pu me le dire. Dans ce pays, on songe beaucoup plus au commerce et au plaisir qu’aux étoiles. Toujours est-il que je n’ai pas vu encore de constellation aussi magnifique. Lorsque le jour commença à poindre avec de belles nuées d’or et rosées, je me suis levée de nouveau pour le saluer, et j’ai vu l’étoile du matin, qui était d’une grandeur et d’un éclat extraordinaires ; je ne sais pourquoi, cependant, sa vue m’a laissé une impression de mélancolie.

Durant une couple de jours il a plu par ondées et bruiné ; mais, ce matin-là étant serein et beau, j’ai voulu absolument, après le déjeuner, aller voir le jardin de l’évêque. Madame Schneidler me dit : « Vous ne pourrez pas y arriver, vos pieds se prendront dans la terre détrempée par la pluie. » Je méprisai cet avis et me mis en route ; mais il me fut impossible d’avancer promptement. À chaque pas mes pieds étaient pris dans une terre molle rougeâtre dont je n’avais pas l’idée. Je fus donc obligée de revenir et d’attendre que le soleil eût séché le sol, ce qu’il fit assez promptement. Les averses qui m’avaient accueillie à Cuba, et dont j’étais un peu piquée, sont les adieux, dit-on, de la saison humide ; elle est finie maintenant et cède la place à la saison sèche, qui se prolongera jusqu’en mai.