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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

été à Jérusalem, il en devint tout joyeux et si désireux d’entendre parler du saint-Sépulcre et des Lieux Saints, de nous montrer tout ce que la cathédrale contenait de remarquable, que cela faisait plaisir à voir. Ce jeune homme avait encore évidemment un esprit non corrompu et une foi ferme.

Hier, pendant une procession qui avait lieu dans la cathédrale, et tandis qu’on baisait la main blanche, potelée de l’évêque, couverte de diamants étincelants, je vis l’un des grands fonctionnaires (l’amiral, je crois) rire en s’agenouillant devant le beau prélat, et faisant mine de baiser sa main ; l’évêque rit aussi. Tous deux savaient probablement que c’était pour la forme. Le costume du clergé et des corps constitués était aussi pittoresque et imposant qu’il pouvait l’être pour notre époque. Les costumes m’impressionnent toujours tant que je ne m’aperçois pas que ce sont des masques trompeurs.

J’entends proférer beaucoup de plaintes relativement à l’administration de l’île, aux monopoles, aux injustices et aux rapines officielles des fonctionnaires et des magistrats. On assure qu’ils engloutissent à la lettre « la part de la veuve et de l’orphelin ; » et l’on m’a raconté des histoires presque incroyables à ce sujet. On espère mieux du nouveau gouverneur, le général Concha, que l’Espagne vient d’envoyer ici. C’est, dit-on, un homme de bien et loyal. Le dernier gouverneur s’est distingué par ses concussions, elles en ont fait un homme riche. On assure que le clergé est fort peu édifiant et vit en contravention ouverte avec ses vœux, que la religion ici est — morte. Le trafic des esclaves continue, mais en cachette. L’administration le sait ; on lui donne trente ou quarante pessos (dollars) pour chaque esclave amené d’Afrique. — Elle ferme les yeux et encourage même