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LA VIE DE FAMILLE

un nuage montait à l’horizon, et tout l’or du millionnaire ne pouvait pas racheter la vie de son unique enfant et héritière.

Ce voyage était cependant une tentative pour y parvenir ; ils se rendaient d’abord à Cuba et de là en Europe. Une charmante jeune personne, cousine de la malade, lui tenait compagnie.

Il y avait aussi à bord quelques Suédois se rendant à Chagres et de là en Californie ; l’un d’eux y allait pour la seconde fois, et avait déjà gagné par le commerce un capital considérable.

Dans l’après-midi du second jour, le ciel se couvrit de nuages, le vent augmenta, et j’en crus à peine mes yeux lorsque je vis devant nous, bien haut dans les nuages, de hautes montagnes, des pics ressemblant assez à une forteresse avec tours et remparts. On me dit que c’était Cuba ; cependant nous ne pouvions y arriver que le lendemain matin. Je n’avais pas encore vu, dans les contrées occidentales, des montagnes aussi hautes et hardies.

La nuit fut orageuse, mais très-chaude, et pour avoir de l’air, je laissai ma lucarne ouverte. Je vis de mon lit, placé immédiatement au-dessous, le ciel couvert de nuages, la mer irritée quand les mouvements du bateau le faisaient baisser jusqu’à la limite de l’eau, de mon côté. Les vagues écumaient et bouillonnaient au dehors de ma fenêtre. Au moment où je m’y attendais le moins, elles entrèrent dans mon lit ; mais l’eau était tellement tiède, que je ne m’en aperçus point d’abord. Il me fallut ensuite choisir entre fermer ma fenêtre et vivre dans l’air étouffé de la cabine, ou respirer l’air doux de la mer en recevant de temps à autre une douche d’eau salée. Je me décidai en faveur de celle-ci et fus bien trempée. Mais je me sentais calme,