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LA VIE DE FAMILLE

ver, — ils étaient enchainés dans les caves de la maison, où elle les visitait afin d’exercer sa vengance sur eux. Je ne te parlerai pas des moyens qu’elle employait pour satisfaire son penchant à la cruauté, — les chroniques païennes et du fanatisme n’offrent rien de pire. Enfin, les gémissements des victimes se frayèrent une route à travers la terre, les murs, et furent entendus. Le bruit s’en répandit dans la ville, le cœur du peuple s’émut, il s’ameuta devant la demeure de madame Lalloru. On voulait délivrer les victimes, abattre la maison et se venger de ce bourreau sous forme de femme. Le peuple se mit rapidement à l’œuvre, les murs commençaient déjà à crouler, quand le maire et la force armée arrivèrent. Ils protégèrent la maison de madame Lalloru, donnèrent le temps à cette femme de fuir, moitié vêtue, par une porte de derrière. Elle quitta d’abord la Nouvelle-Orléans et plus tard l’Amérique, vint ensuite habiter Paris, où elle jouissait des revenus d’une immense fortune acquise dans la Louisiane de la manière que je viens de raconter. On la dit morte récemment.

Qui pourrait douter d’un enfer après la mort, quand on connaît la vie et les plaisirs de pareilles gens sur la terre ?

M. Lalloru, qui est Français, habite encore la Nouvelle-Orléans ; on le dit bon et doux. Il a sans doute vécu séparé de sa femme.

Ce fait s’est passé il y a dix ou douze ans. Si, véritablement, les femmes sont les plus mauvais et les plus méchants propriétaires d’esclaves, c’est sans doute parce qu’elles sont en général plus irritables, que ce climat est extrêmement agaçant pour les nerfs, et que la femme dépasse l’homme en fait d’excès, dans le bien comme dans