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LA VIE DE FAMILLE

comme les autres villes américaines. La partie française, construite la première, a un caractère plus froid et d’affaires ; mais la Nouvelle-Orléans est surtout une ville de commerce et d’affaires, fort en arrière des autres grandes cités des États-Unis sous le rapport des établissements de culture intellectuelle et de haute morale. On n’y trouve aucune jouissance artistique, excepté celle du théâtre, et encore elle n’est guère élevée.

Dans le peu de jours que j’ai passés ici, je me suis beaucoup promenée dans la ville, sans y trouver d’autres choses intéressantes pour la vue que les jolies créoles de couleur ; elles sont charmantes avec leurs traits fins, leurs beaux yeux, leur tête ornée de mouchoirs noués avec goût à la manière de la Nouvelle-Orléans. J’ai vu dans les rues de jeunes servantes métis et des quarteronnes d’une beauté parfaite ; leur taille est d’ordinaire remarquablement svelte et bien proportionnée.

La Nouvelle-Orléans passe depuis longtemps pour une « ville très-joyeuse, » mais sa réputation est moins bonne sous le rapport de la moralité ; elle est fortement mélangée de légèreté. On dit, cependant, qu’elle s’améliore d’année en année, à mesure que les Anglo-Américains y acquièrent de l’autorité et que leur nombre augmente. La population française, au contraire, reste stationnaire, et son influence diminue. Quant à la moralité dans les affaires à la Nouvelle-Orléans, on ne m’en a pas rendu le meilleur témoignage. J’ai ouï dire à un négociant de mes amis, debout au milieu de ses futailles et de ses barriques de sucre, placées dans un grand entrepôt de la ville : « Il se commet ici plus de friponneries qu’il n’en est besoin pour mériter à une ville d’être engloutie comme Gomorrhe. »