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LA VIE DE FAMILLE

esclaves, sans pressentir l’ironie contenue dans ces paroles. C’est donc dès l’enfance que l’esclavage fausse l’esprit droit et pur de la jeunesse ; il agit d’une manière fâcheuse sur le sentiment du vrai des enfants, les empêche de voir le mensonge, leur gâte le cœur et le caractère. Une noble femme de la Nouvelle-Orléans, établie dans cette ville depuis quatre ans, m’a dit beaucoup de choses sur la déplorable influence que l’institution de l’esclavage exerce sur l’éducation des enfants ; elle les rend emportés et durs. L’enfant entouré d’esclaves dès le berceau s’habitue à les commander, à les voir obéir à ses caprices, à voir un refus puni, et quelquefois avec cruauté. De là une disposition à la colère, les scènes sauvages et sanglantes habituelles dans les États à esclaves.

Comment en serait-il autrement ? J’ai vu moi-même ici des exemples de la conduite des enfants à l’égard des esclaves, et qui prouvent suffisamment combien cette institution développe le penchant naturel de l’homme au despotisme.

Je n’ai pu m’empêcher d’admirer dans une école de jeunes filles l’habileté avec laquelle elles faisaient des salto mortales intellectuels. Dans l’examen que la directrice leur fit passer et qu’elles subirent avec une remarquable capacité, les questions leur furent adressées à peu près dans l’ordre suivant :

« D’où provient la neige ? À quel nombre se monte l’armée de l’empereur de Russie ? Où est la Laponie ? Qu’était Napoléon ? Qu’est-ce que le salpêtre ? À quelle distance la terre est-elle du soleil ? À quelle époque a vécu Shakspeare ? Quand Washington est-il mort ? Quelle est la population de la France ? Qu’est-ce que la lune ? »

Les jeunes filles répondirent en chœur et presque tou-