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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Un autre soir j’ai entendu, à l’Opéra, le Prophète de Meyerbeer. La pièce est prosaïque et pauvre de fond ; mais le spectacle est beau, et la musique, malgré tout son fracas, a quelques morceaux dramatiques d’un caractère magnifique. Madame Day a joué, chanté noblement et bien le rôle de Fidès. Le prophète avait une triste figure et ne valait guère mieux que son amante. Si l’auteur, au lieu de prendre pour base une pauvre intrigue d’amour, avait conservé le fanatisme et l’orgueil religieux que nous trouvons dans le prophète historique Jean de Leyden, cet opéra aurait offert un intérêt vrai. Maintenant il ne donne aucune pâture à la pensée, et attaque tellement mes nerfs par la continuité de ses effets retentissants, que j’ai de la peine à tenir les yeux ouverts en l’écoutant. La dernière scène, d’une splendeur désagréable, m’a un peu réveillée. Le coup d’œil que présentaient les jeunes et jolies créoles en blanc, assises à l’amphithéâtre et dans les loges, m’a réjoui la vue comme toujours ; mais j’ai découvert sur le visage de quelques femmes âgées des nez fortement poudrés de blanc.

J’ai visité aussi des écoles et des asiles où l’on m’avait invitée à aller.

La Nouvelle-Orléans est divisée en trois municipalités. On dit que, depuis un petit nombre d’années, les écoles se sont beaucoup améliorées, qu’elles ont pris un nouvel élan. Des instituteurs et des institutrices des États du Nord viennent ici. Les appointements d’une institutrice peuvent aller jusqu’à mille dollars ; mais la vie est trois fois plus coûteuse dans cette ville que dans les autres États de l’Union.

Dans les grandes écoles de garçons, j’ai entendu ces derniers chanter leur patrie comme étant « le pays des braves, des hommes libres. » On chantait ceci dans un État à