Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
LA VIE DE FAMILLE

les esclaves sont surtout occupés, paraît assez facile ; mais celui de les entasser par masses épaisses, moyennant la presse à vis qu’on tourne à force de bras, est si fatigant, qu’il donne lieu souvent à des maladies de poitrine et coûte aux travailleurs la santé et la vie. L’infection et la malpropreté qui règnent toujours dans les fabriques de tabac me semblent meurtrières surtout quand on n’y est pas accoutumé dès le bas âge. Le travail cesse à six heures du soir, les travailleurs sont libres le reste de la journée ; et comme ce moment approchait, les esclaves firent entendre le beau chant « Alleluia, amen, » non pas en parodie. Mais ce n’était pas gai, les chanteurs ne l’étaient pas non plus. Mademoiselle Van Lee ne pouvait retenir ses larmes. Tous ces noirs, étant baptistes, ne chantaient que des hymnes sacrés. C’est seulement dans les maisons où l’on vend les esclaves que l’on entend ici les joyeuses et lumineuses chansons nègres.

En quittant cette fabrique, le propriétaire (gros et joyeux personnage) me fit cadeau… devine… d’un grand paquet de tabac à mâcher ! Le cadeau était si caractéristique que je l’acceptai avec un plaisir tout particulier, étant surtout de première qualité. Je le tins aussi éloigné que possible de mon nez en retournant chez moi en voiture ; mais je sais des amis en Suède qui lui trouveront beaucoup de charmes.

Le soir je devais aller dans une soirée de mille personnes, la « crème » de la société de Richmond : « C’est le plus dur propriétaire d’esclaves de la contrée. On reconnaît ses esclaves sur les chemins, tant ils sont affamés.

— Oui, c’est un méchant homme, mais il est fort riche. »