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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Le 18 juin.

Il m’a fallu hier et aujourd’hui recevoir une foule de visites et d’invitations amicales. Parmi ces dernières se trouve l’offre d’un foyer à la campagne près de la ville ; je l’ai accepté sur-le-champ pour le moment de mon retour, tant les personnes qui m’ont fait cette proposition me plaisent. C’est une veuve, madame Van Lee et sa fille ; leur doux visage exprime infiniment de bonté et de délicatesse d’âme.

Madame Van Lee m’a menée voir en voiture les jolis environs de Richmond, au nombre desquels se trouvait le grand cimetière, qui ressemble à un parc, avec collines et vallons. Toute la contrée autour de Richmond est un mélange du même genre, et le Saint-James un trait important et agréable du pays qu’il parcourt en serpentant. Quoique bien près de la Saint-Jean, il faisait si frais que j’avais réelment froid dans cette voiture découverte ; l’air me semblait rude et piquant.

Nous allâmes ensuite à une grande fabrique de tabac, car je désirais voir l’établissement où l’on prépare le principal produit de la Virginie. Ici j’ai entendu les esclaves (cent environ) chanter en travaillant dans de grandes salles, des chants et des antiennes à quatre parties, si purement, d’une manière si complétement harmonieuse, qu’il était difficile de croire qu’ils n’avaient eu d’autres maîtres qu’eux-mêmes. Dieu a donné à ces pauvres créatures le don du chant pour les consoler durant leur temps d’épreuves ; car la vie, dans une fabrique de tabac, n’est point assurément une vie de Chanaan. Une partie du travail, — par exemple, celui de rouler les feuilles de tabac, auquel