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LA VIE DE FAMILLE

une voiture pour nous promener sur les falaises. Notre cocher était un jeune Yankee de quinze ans, venu de Boston à Charleston pour tenter la fortune. Ce garçon, élevé dans une école communale, était fort raisonnable dans ses discours et ses réponses. Nous abandonnant donc à sa direction, nous nous plongeâmes dans un entretien par suite duquel nous vîmes, au bout d’une demi-heure seulement, qu’au lieu de rouler sur la falaise, nous marchions toujours dans l’eau, il nous semblait même que nous enfoncions de plus en plus. Nous interrogeâmes le jeune garçon ; il avait l’air de réfléchir, tout en disant que nous ne manquerions pas d’arriver ; nous continuâmes donc ainsi encore un moment. Mais alors l’eau montait jusqu’à la moitié des roues, nous entrions dans de profondes ornières ; évidemment nous n’étions pas dans le bon chemin. Lorsque nous le dîmes à notre cocher, il se trouva qu’au lieu de nous conduire par le sud de l’île, comme cela se fait toujours, il avait pris par le nord, pour voir si l’on ne pouvait pas arriver également par ce côté. Il avait voulu faire une expérience.

Madame Howland rit de si bon cœur de l’idée que ce garçon avait eue de faire une expérience qui aurait pu nous coûter la vie, que ses réprimandes en perdirent de leur force. Le Yankee était bien un peu embarrassé, cependant il sourit, et aurait voulu aller jusqu’au bout. Nous nous y refusâmes positivement, car, ne connaissant pas le fond, chacun de nos pas pouvait être le dernier. Nous descendîmes parmi les buissons sur le rivage et laissâmes le garçon chercher son chemin comme bon lui semblerait avec chevaux et voiture.

Nous essayâmes de trouver une route à travers les arbustes et les taillis. Madame Howland riait avec une bon-