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LA VIE DE FAMILLE

Plantation d’Ortega (Floride), 23 mai.

Me voici de nouveau sur terre ferme, mon Agathe, mais non pas en bateau à vapeur (notre pauvre Magnolia est encore au même endroit, sans espoir d’être refloué avant la prochaine pleine lune). Je suis dans une plantation de maïs appartenant à des membres de la famille Mac Intosh, et jouis d’un repos, d’un bien-être parfait avec des personnes aimables, dans un foyer bon et hospitalier. Il m’a semblé, dans certains moments, que les voyageurs auxquels est due la découverte de ces belles solitudes n’ont pas eu plus de mal que nous, rôtis, pour ainsi dire, dans notre bateau par un soleil ardent, et manquant d’eau buvable. Avec M. Belle-Chasse a disparu notre bonne eau fraîche, et c’est alors seulement que nous avons découvert le sacrifice que cet aimable créole avait fait en faveur des femmes, en leur donnant la glace qu’il avait apportée de Cuba. La Sarah Spalding n’avait pas une bouteille d’eau qu’on pût boire dans son office ; nous étions réduits à celle du fleuve, elle était tiède, et on aurait pu la croire distillée par les alligators. Impossible d’en faire usage. Mais lorsqu’à ma prière le capitaine (quel digne homme !) eut débarqué ma personne et compagnie dans un bouquet d’orangers sauvages, et que nous y eûmes fait une abondante récolte, je fabriquai de la limonade, et toute la société en fut rafraîchie. Ce bosquet d’orangers offrait un singulier aspect. Le capitaine et quelques hommes nous avaient précédés avec des haches pour frayer un sentier sur la rive, la forêt ressemblait à un épais taillis de plantes épineuses, d’arbres renversés, d’une foule de buissons