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LA VIE DE FAMILLE

ment blessés, ils se tournent sur le côté, et on les voit souvent se traîner comme des masses de vase sur le rivage pour se cacher parmi les roseaux. Ils étaient si nombreux, dit-on, il y a une couple d’années, que les bateaux à vapeur avançaient avec beaucoup de difficulté. Les alligators ont une sorte de cri grondeur ou rugissement ; il en résulte qu’au printemps, à l’époque de leurs amours, ils font un vacarme épouvantable.

J’ai passé toute la journée sur la plate-forme, me partageant entre les scènes de la nature et la lecture du journal de Christophe Colomb, celui qu’il tint lors de son premier voyage de découverte dans les îles ravissantes du Nouveau-Monde. Polly a été insupportable tout le jour, malgré la dame dirigeante qui lui tenait la bride courte. Dans l’après-midi nous passâmes devant plusieurs bouquets d’orangers sauvages.

C’est hier au soir que nous sommes arrivés au lac Munroe, le but de notre voyage ; au delà toute navigation cesse. M. Belle-Chasse nous a quittés ici pour continuer à cheval son voyage de découverte.

Nous avons pris terre près d’Entreprise, colonie avec hôpital dans le voisinage du fort Melun près de la mer, et bâti contre les Indiens. Les maisons d’Entreprise étaient enfoncées dans le sable, leurs chambres si peu agréables et leurs habitants paraissaient tellement maladifs, que nous avons pris la résolution de passer la nuit sur le lac dans notre petite maison flottante. C’est pourquoi nous nous éloignâmes du pont extrêmement frêle et dangereux de cette Entreprise manquée, et nous rapprochâmes du fort Melun, à une petite distance duquel nous jetâmes l’ancre.

Non loin de là était la demeure des tourterelles no 3 : elles quittèrent le bateau. C’était joli de voir un peu aupa-