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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ques heures de navigation sur la mer nous entrâmes dans le Saint-John, après avoir franchi heureusement, sans d’autre mal qu’une forte secousse, le dangereux banc de sable qui se trouve à son embouchure. Le vieux Saint-Mathieu craqua dans toutes ses jointures, ne fut pas mis en pièces, ce qui eût été facile, et nous n’aurions pas manqué d’aller tous au fond de l’eau. Plusieurs passagers quittèrent le bateau près des colonies ou plantations qui se trouvaient sur la route ; et, tout devenant plus facile, plus agréable à bord, j’ai joui d’une manière inexprimable de cette magnifique matinée, de cette course sur le fleuve.

Le Saint-John (en indien Welaka, ou fleuve aux lacs) se compose d’une suite de lacs plus ou moins grands, liés entre eux par un chenal étroit mais profond, qui forme en serpentant d’innombrables coudes. Il est difficile de se représenter ce spectacle merveilleux quand ou n’a rien vu d’analogue. Ici on trouve de nouveau la forêt primitive telle que je l’ai rencontrée sur les bords du Savannah, mais plus riche dans ses produits, car le Welaka coule en grande partie sous les vents tièdes des tropiques et au-dessous de la région de la gelée. Il y a ici des bosquets, des ceintures serrées de palmettes, des orangers sauvages chargés de fruits éclatants que nulle main n’a cueillis. Des masses de plantes grimpantes, vanille, vignes sauvages, convolvulus, etc., couvrent la rive avec une richesse inexprimable, et forment, en croissant sur les arbres, les souches, les arbustes et cyprès, des temples entiers avec colonnes, voûtes, portiques, de sombres et profonds couloirs, les plus jolis festons à travers et le long du fleuve limpide. On voit s’élancer, des masses d’arbres à feuilles rondes, les jolies couronnes de palmiers éventails, libres et fantastiques ; le magnolia couvert de fleurs ; et au-des-