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LA VIE DE FAMILLE

n’avait guère plus de trente ans, le mari paraissait plus jeune. Ils étaient toujours assis à côté l’un de l’autre, la femme la tête appuyée sur l’épaule du mari avec l’expression d’une confiance et d’une paix profondes ; il lui était rendu, elle pouvait l’estimer comme homme et comme mari ; il lemmenait loin de la Colline de sable où elle avait eu tant de mal, pour la conduire dans la Floride, où des bosquets d’orangers ombrageaient sa demeure. Ces deux époux me paraissaient être les plus heureuses créatures de la terre après moi, à qui Dieu a accordé le don de jouir beaucoup du bonheur des autres.

Le plus jeune enfant était un charmant petit garçon que la tendresse de sa mère avait paré d’un bonnet lui allant à ravir. Le fils aîné, âgé de quinze ans, était moins bien, et Polly, la fille unique (quatorze ans), était un trait fâcheux dans le roman de ses parents. Quoiqu’elle ne fût pas laide et que sa ronde figure eût la bonne expression de son père, elle n’en était pas moins une véritable fille des Collines de sable, qui avait grandi chez sa vieille aïeule comme le jeune pin des bois sans aucune culture. Notre dame dirigeante prit cette matière humaine redevenue sauvage sous sa protection. Ses tentatives pour la civiliser donnèrent lieu à plus d’un éclat de rire cordial parmi nous.

La première nuit que nous passâmes sur le Saint-Mathieu fut chaude et pénible dans le salon, encombré de monde. Le plancher était jonché de femmes couchées. Plusieurs d’entre elles étaient jolies, deux toutes jeunes et d’une beauté véritablement plastique en dormant. Ne pouvant fermer l’œil, je les regardai avec des yeux d’artiste de mon lit près du plafond.

Nous étions sortis le soir de l’Altamaha, et après quel-