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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

reux. Cela faisait du bien de les voir et de les entendre raconter leur histoire.

Ils appartenaient à la classe blanche pauvre de la Caroline et de la Géorgie, dite des Collines de sable, qui cultive les terres les plus sablonneuses et les plus maigres du pays où elle vit, sans écoles ni aucun moyen d’instruction. La femme s’était mariée contre le gré de ses parents, et, lorsqu’au bout d’un certain temps elle était tombée, par la faute de son mari, dans une grande misère, ils lui offrirent un asile en repoussant le mari. Celui-ci jura qu’on ne le reverrait qu’au moment où il viendrait chercher sa femme pour la conduire dans sa propre demeure. Il fut absent et sans donner signe de vie pendant sept ans. La femme, restée chez ses parents avec ses enfants, deux garçons et une fille (le plus jeune garçon venait de naître quand le père les quitta), cette femme, dis-je, perdit peu à peu entièrement l’espérance de revoir l’époux qu’elle aimait tant. Mais un jour l’aîné des garçons s’écria : « Voici papa ! » La femme ne le crut pas, cependant elle sortit de la maison pour voir l’arrivant, et s’évanouit lorsqu’elle reconnut son mari. Après un travail opiniâtre, il était parvenu à s’assurer du pain et s’était construit une jolie petite cabane dans la Floride. C’est dans cette demeure, dans ce pays de l’été éternel, qu’il conduisait sa femme et ses enfants ; ils étaient en route pour s’y rendre.

Cette nouvelle demeure était située sur les bords du lac Munroe, et les deux époux allaient y recommencer une vie nouvelle. Pendant cette soirée éclairée par la lune, ils s’appuyaient l’un contre l’autre avec amour et joie. Le mari avait un air mâle et bon, la femme des traits fins ; on voyait qu’elle avait été jolie, mais elle paraissait avoir souffert par suite de son chagrin et d’un travail rude. Elle