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LA VIE DE FAMILLE

leur poitrine et à leur respiration s’ils donnent toute leur force. »

La femme blanche soi-disant philanthrope était donc là, guettant la respiration des nègres, les yeux fixés sur leur poitrine nue, pour se convaincre qu’ils mettaient toute leur force à son service et au nôtre. Je dois ajouter que cette dame était des États de la Nouvelle-Angleterre ; sa philanthropie est celle de mainte Américaine. Personne ne la soutint ni ne l’appuya dans ses remarques et ses exhortations. Les nègres ramaient avec calme, mais également, le bateau pesamment chargé, et nous atteignîmes sains et saufs le Saint-Mathieu, et nous trouvâmes bientôt, à notre grande satisfaction, voguant sur l’Altamaha, dont l’eau, vu le voisinage de la mer, est salée et ressemble, au crépuscule, à un courant d’argent parsemé de diamants étincelants.

Le Saint-Mathieu était déjà encombré de passagers. Parmi ceux-ci se trouvaient trois couples de tourterelles humaines : l’un joli sous le rapport des personnes, mais gens de la seconde classe quant à la culture de l’esprit, aux manières, tellement amoureux et le montrant de telle façon, que c’était repoussant. Le jeune mari, avec une grande épingle en diamants faux sur le jabot, confiait à une personne de sa connaissance qu’il croyait avoir épousé la femme la plus parfaite du monde. Mais le visage complétement joli de celle-ci ne paraissait pas loger beaucoup d’âme. Les tourterelles no 2 étaient d’espèce plus relevée, agréables, leur âme aimante brillait dans leurs beaux yeux noirs ; la femme était très-faible de santé après une année seulement de mariage, le mari rempli de soins. Les tourterelles no 3 n’étaient ni jeunes ni jolies, mais le plus intéressant des trois couples, et peut-être le plus heu-