Je t’écris maintenant du fond de la florissante Floride, en me reposant sur l’un de ces jolis et limpides lacs où les alligators nagent autour de notre petite habitation flottante, bateau à vapeur très-frêle appelé Sarah Spalding. Une guirlande de forêts d’un vert foncé ressemblant à une couronne de myrte entoure le lac paisible. On ne peut distinguer à cette distance les bouquets d’orangers, des palmettes, des forêts de cyprès. La rive est basse, le lac uni comme un miroir ; tout est tranquille autour de nous. Point de villes ni de tours, pas de bateaux à vapeur ni de flottes, pas une créature humaine, nous exceptés. Ici le pays est jeune, presque sauvage encore ; mais je suis ravie de me trouver au centre des déserts poétiques de la Floride, d’avoir vu quelque chose de sa riche et merveilleuse poésie naturelle.
Saint-Mathieu s’est montré charitable à notre égard le 18 ; il a recueilli tous les pauvres naufragés, qui ne souffraient de rien, seulement ils s’ennuyaient de rester immobiles sur un bateau à vapeur et d’être exposés à l’ardeur du soleil. Mais c’était dommage pour notre capitaine et l’équipage, dont plusieurs hommes étaient déjà malades. Le Saint-Mathieu ne s’approcha guère de nous, il nous fit prendre en bateau. Quatre nègres ramaient. Il me semblait que nous marchions bien et sûrement ; mais notre dame dirigeante, connue pour sa philanthropie envers les blancs, fixait un œil rigoureux sur les noirs, et dit au bout d’un moment avec une voix sévère : « Pour-quoi ne ramez-vous pas avec plus de vigueur ? »
Elle ajouta en se tournant vers moi : « On peut voir à