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LA VIE DE FAMILLE

d’eux relativement à cette question, et les appellent, comme je l’ai entendu dire moi-même, « des barbares ! »

Il y a peut-être à Cuba, dans ce moment, plus de noirs heureux que de blancs. Celui qui possède des esclaves ne l’est pas ; les palmiers n’agitent point leurs palmes pour lui, les vents délicieux ne le caressent pas, le ciel limpide et doux ne brille pas pour lui ; entre la magnificence de la nature et lui sont le bohen, le moulin à sucre avec les esclaves noirs qui le craignent et qu’il redoute. Le ciel pur de Cuba ne lui donne pas le repos ; il voit l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, son avenir est sombre. C’est pourquoi tous ses efforts tendent à tirer le plus d’argent et le plus promptement possible du sol de Cuba, et ensuite — de la quitter pour toujours.

Quand je songe à cette île si belle, à sa nature magnifique, à ses abondantes ressources, je ne puis m’empêcher de la transformer en ce qu’elle devrait être, en ce qu’elle est destinée à devenir dans la pensée du Créateur ; ceci se rapporte non-seulement à Cuba, mais à toutes les belles îles que la main libérale de Dieu a semées dans l’Océan occidental comme des diamants sur son manteau ondoyant.

Parmi ces îles, il en est trois qui représentent toutes les autres, et sont grandes sous le rapport de la beauté, de l’étendue, de la richesse : Cuba, Saint-Domingue et la Jamaïque ; mais je ne parlerai maintenant que de la première, de la belle reine des Antilles.

Je la vois donc dégagée de ses chaînes, débarrassée de ses esclaves ; je la vois couronnée de ses palmiers, de ses montagnes, née à nouveau, sortant des flots, caressée par eux et d’immortels zéphyrs. C’est un nouvel Éden, la demeure d’un printemps éternel, une source dorée de santé