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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

vent de magnifiques boulingrins des palmiers royaux, qu’on dirait avoir été plantés pour orner les marches triomphales des rois et des reines ; une beauté dans les formes, les couleurs et l’air, qui fascine involontairement l’esprit, qu’on ne peut exprimer avec des paroles ou des couleurs, mais seulement avec des sons. Cuba, la reine des Antilles, est une Calypso belle malgré ses péchés ; elle captive tellement le voyageur, qu’il aurait besoin, comme autrefois Télémaque, de Mentor pour l’arracher à ses séductions en le jetant la tête la première dans la mer. C’est ce que j’éprouve en remettant de semaine en semaine ma séparation d’avec cette enchanteresse. Je suis retenue également par l’aimable hospitalité des Créoles, la connaissance que j’ai faite de plusieurs personnes au noble caractère, ayant le pouvoir de détourner de l’esclavage, — pour un instant du moins, — la malédiction qui y est attachée. Parmi ces personnes, je citerai surtout deux femmes, — l’une d’elles née de parents danois. Je voudrais pouvoir les présenter à la Reine maternelle du Danemark, car elles sont mères, dans le sens le plus élevé et le plus saint de ce mot, mères des orphelins, des étrangers, des esclaves, de tout nécessiteux.

J’ai parlé du côté obscur de la vie des nègres ; permettez-moi de dire quelques mots de son côté lumineux, c’est une partie essentielle de celui de Cuba.

Cette île est à la fois l’enfer et le paradis des nègres. Les lois espagnoles concernant les esclaves, faites sous l’influence d’individus doux et généreux, comme le prêtre espagnol Las Cases, sont douces et favorables à la libération des noirs. Si elles étaient observées, il n’y aurait pas sous l’administration de l’Espagne d’esclaves complétement malheureux, car ils ne seraient pas sans espoir. Mais