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LA VIE DE FAMILLE

plus de travail que la nature humaine n’en peut supporter. Dans les murs du bohen les esclaves vivent comme des animaux. On ne leur prêche pas la venue du Sauveur, et les seules jouissances qu’on leur accorde, — dans la mesure la plus restreinte, — sont celles de la bête. D’affreux soulèvements ont souvent rendu témoignage de ce que l’oppression a de hideux, du courage et de la force sauvages des nègres ; mais le plus grand nombre meurt sans avoir osé proférer une plainte, ou lever la main pour se défendre, ou former une accusation. Il arrive fréquemment que, dans les premiers temps de la captivité, ils mettent eux-mêmes un terme à leurs souffrances, dans la conviction qu’ils ressusciteront immédiatement dans leur patrie. Le gouvernement et la situation sont, dans leurs traits principaux, depuis le palais du gouverneur jusqu’au bohen de l’esclave, une administration violente et despotique. On trouve bien chez quelques individus la droiture et la noblesse des sentiments, mais ce n’est pas général. Quelques lois rendent témoignage d’un esprit élevé ; on les contourne le plus possible.

En face de ce côté sombre de la vie à Cuba, il y a son côté lumineux, qui forme un contraste des plus marqués. Je veux dire le ciel du tropique, aussi doux que les regards d’un ange, la pureté de son soleil, le vent, esprit aussi pur et plein d’animation vivifiante que s’il sortait immédiatement de la source de vie et d’amour comme le matin du jour où tout était jeune et bon sur la terre. Là se trouvent le monde naturel des tropiques rempli de plantes et de scènes merveilleuses, les bosquets de palmiers où devraient se mouvoir des êtres immortels, ces jardins beaux comme le paradis, où croissent le caféier et le bananier, où règnent une floraison, une fructification incessantes. Là se trou-