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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

donne beaucoup de douceur au teint, mais il est souvent trop visible. Je ne m’oppose aucunement à ce que dans la vie de société on se rende jolie autant que possible ; mais il faut le faire avec adresse et bien, si on ne veut pas qu’il en résulte un effet désagréable.

J’étais dans une loge de face, invitée par M. Day, un ami de Harrison, et très-bon musicien. Par suite de la chaleur et des fatigues de la journée, j’avais mal à la tête, mais je tenais tant à me bien porter le lendemain matin, pour aller voir avec Harrison le « marché français, » que l’énergie de la volonté et du café très-fort me guérirent. J’ai donc pu me diriger à six heures, avec mon cavalier, vers la partie française de la ville.

Le marché français est dans tout son éclat chaque dimanche matin, et cette disposition prouve la différence qui existe entre le caractère national français et celui des Anglo-Normands, ceux-ci considérant un semblable marché comme une violation du sabbat.

Le marché français est l’une des scènes les plus animées et les plus pittoresques de la Nouvelle-Orléans. On se croirait transporté dans un vaste marché parisien, avec cette différence que l’on voit ici des gens de diverses nations, qu’on y entend parler divers idiomes, qu’on y voit une grande quantité de produits de zones différentes. Il s’y trouve des Anglais, des Irlandais, des Allemands, des Français, des Espagnols, des Mexicains, des nègres, des Indiens. La plupart des vendeurs sont des créoles noirs (ou indigènes), ils ont l’animation et la gaieté françaises, parlent bien cette langue, et maint individu m’adressa, avec le plus joyeux sourire, un « bonjour, madame, bonjour, madame ! » tandis que je me promenais entre les étalages