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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

la végétation de cette île, j’éprouve parfois un pressentiment de ce qu’on appelle le mal du pays. Il y a des instants où je n’ose pas songer à nos fraîches soirées d’été, au brouillard blanc qui se lève le soir, s’étend comme un voile sur les prés d’Orsta, et sous lequel les bœufs reposent avec tant de délices ! Je sens que si je tombais malade, je donnerais, comme le petit Lapon Tantus Potas, en Italie, où il était mourant, toutes les belles choses des tropiques pour — « un peu de neige à poser sur ma tête. »

Le 3 mai.

Une averse ! une averse ! Il y a de l’eau dans le bassin des flamants ; ils prennent un grand bain, les oies caquètent, la végétation brille et fait éclore ses fleurs, les hommes, les plantes, les animaux relèvent la tête, et le « Palma Christi[1] » étend ses vertes mains ranimées au vent. Le papaya secoue les gouttes de pluie de sa couronne, et les cucullos accourent en foule.

Demain dimanche on permettra aux nègres de danser sous le grand amandier devant le bohen. Ce sera le dernier jour que je passerai à Concordia. Je partirai après demain pour la Havane, escortée par Sidney Sauval.

Tandis que j’en ai encore la mémoire fraîche, il faut que je te raconte un événément qui vient de se passer non loin de cette plantation, et prouve une fois de plus com-

  1. C’est le nom qu’on donne par suite de la forme de ses feuilles à la plante qui produit l’huile de ricin, cultivée avantageusement à Cuba et dans les États du Sud de l’Amérique du Nord.(Note de l’Auteur.)