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LA VIE DE FAMILLE

heures du matin, on en entend un autre, moins barbare, c’est le son prolongé et mélodieux d’un coquillage dans lequel on souffle pour faire quitter le travail aux négresses qui ont des nourrissons et leur permettre de se reposer avant de leur donner à teter.

La bienveillance affectueuse de madame de Carrera pour les esclaves est tellement connue, que des nègres étrangers, fautifs envers leurs maîtres, viennent la trouver afin qu’elle intercède pour eux et leur fasse éviter le châtiment. C’est un usage établi à Cuba, que les esclaves en faute peuvent choisir parmi les blancs un « parrain » ou une « marraine, » pour leur servir d’intercesseur auprès de leur maître irrité ; celui-ci refuse rarement ou même jamais le pardon demandé. Madame de Carrera a été souvent choisie pour « marraine » et toujours avec succès. Qui pourrait donner un refus à cette noble et gracieuse femme ? Partout où sa blanche personne (elle est constamment en blanc) se montre, elle est un message de paix.

Madame de Carrera est née à Saint-Domingue de parents français qui s’y étaient réfugiés à l’époque de la terreur. Lors du massacre, eux et elle, ont été sauvés par des esclaves fidèles et dévoués. Durant les belles soirées que nous passons sur la terrasse, ou en nous promenant dans les bosquets de palmiers de la plantation, elle me raconte des épisodes concernant sa famille, et son histoire romantique personnelle. Nous parlons souvent, et Sidney avec nous, de sujets plus sérieux et surtout historiques, en établissant des comparaisons entre les caractères et les événements remarquables des différents pays, et je ne m’en tire pas mal avec mes femmes et mes hommes scandinaves. Nous causons, nous pensons, nous peignons ensemble, et je m’afflige à l’avance d’être obligée de m’éloigner sitôt