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LA VIE DE FAMILLE

gouverner, pourvu qu’ils s’aperçoivent qu’on leur veut du bien, qu’on veut être juste à leur égard.

« Je ne permets jamais qu’on donne un coup de fouet dans ma plantation sans ma permission spéciale. Les surveillants sont des hommes grossiers, sans éducation ; ils frappent souvent par colère ou méchanceté, cela ne doit pas être. Quand un nègre a commis une faute entraînant correction, le surveillant s’adresse à moi, et je décide du châtiment. S’il faut se servir du fouet, ce doit être sans colère, et seulement quand les exhortations et les réprimandes sont restées sans effet. Mes nègres m’aiment parce qu’ils savent que je ne permettrai jamais qu’on les maltraite.

— Ce qu’on m’a raconté de l’ingratitude des nègres, dis-je, n’est donc pas vrai, et ce ne sont pas, lors du soulèvement de 1846, les maîtres les plus doux qui ont été massacrés par leurs esclaves ?

— Oh non ! reprit madame de Carrera, cela n’est pas dans la nature de l’homme. À cette époque précisément, je me suis trouvée complétement seule avec mes nègres, et ce sont eux qui ont veillé à ma sûreté. Mon fils avait été obligé d’aller dans sa plantation au sud de l’île, où la révolte était en pleine activité. Le surveillant était absent pour quelque temps. J’appelai mes sous-surveillants, tous nègres, et leur dis : « Vous savez ce qui se passe dans ce moment, non loin de nous ; les nègres se sont soulevés, ils assassinent et pillent. »

— Oui, répondirent-ils.

— Eh bien ! je me mets, moi et ma maison, sous votre protection. Mon fils a été forcé de partir, il restera absent quinze jours ou trois semaines. Il n’y a pas un seul homme blanc dans la plantation, et je n’en ferai pas appeler. Je