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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

santé, etc. Franciska répondit avec une physionomie rayonnante, qu’elle se portait bien, était heureuse et espérait donner bientôt « à madame » un joli petit nègre de plus. Une maîtresse et sa servante n’auraient pas causé plus cordialement ensemble dans notre pays libre. Cette jeune mère future avait évidemment la certitude que son enfant trouverait des soins maternels chez sa bonne maîtresse blanche.

Un négrillon, qui jouait avec le plus jeune des petits-fils de madame de Carrera, vint un jour très-ému vers elle pour se plaindre en disant : « Il m’a appelé un nègre sans honte ! — Ne joue plus avec lui, » répondit madame de Carrera avec gravité ; « ne jouez plus avec lui maintenant, » continua-t-elle, en s’adressant aux petits nègres qui l’entouraient. Édouard fut réprimandé et resta seul la tête basse pendant un bon moment.

J’admire souvent la patience de madame de Carrera, qui se laisse entourer et suivre par les turbulents petits nègres ; ils soulèvent sur le chemin toute la poussière possible autour de sa personne. J’avoue que je ne pourrais pas l’endurer comme elle.

Mais j’entendrai fréquemment dans mon souvenir sa douce voix dire comme à présent, quand je traite ce sujet avec elle : « Ne devons-nous pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour adoucir le sort de ces pauvres créatures, dont la destinée est si dure, qui travaillent pour nous avec si peu de perspective de liberté et de bonheur. Je ne puis pas voir souffrir même un animal. C’est une consolation pour moi de savoir que mes nègres m’aiment ? Je les aime aussi, et les ai toujours trouvés dévoués, désireux de me contenter ; ils ne sont en aucune façon difficiles à