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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

me parut bien en venant au-devant de moi avec sa robe blanche, son visage doux et pâle, son noble maintien ; que sa personne me sembla attrayante ! Elle me parut avoir de cinquante à soixante ans ; sa physionomie, tout en elle était noblement féminin.

Avec elle étaient deux jeunes hommes, grands et bien ses deux fils cadets, Alfred et Sidney Sauval, une jolie Espagnole, femme de l’ainé et leurs six enfants, quatre garçons et deux filles, des nègres, des négresses, des chiens.

Une cabane sur l’autre bord de la rivière et presque en face de celle de madame de Carrera avait été préparée pour moi. Cette dame y a fait arranger de son mieux un lit, une chaise, une table. Le vent souffle à travers les murs de menues branches tressées, il vient de la mer, mais c’est le vent de Cuba. Il n’y a point d’arbres, rien qu’un sol bas et marécageux, et devant vous l’Océan sans limites, point d’archipel. Nous sommes ici sur la côte méridionale de l’île, contrée déserte, habitée seulement par de pauvres pêcheurs pour qui le séjour de madame de Carrera est l’événement le plus heureux. Cet endroit a le charme de la nouveauté pour moi et peut s’accepter pendant une couple de jours. Je regrette d’être venue ici, parce que je cause involontairement beaucoup d’embarras à cette famille ; mais elle est trop polie pour en rien laisser voir. J’ai pris la résolution de vivre au jour le jour, d’être contente de tout ; ce n’est pas difficile avec un air pareil. Nous soupons abondamment et bien à de petites tables dressées sur la terrasse de la cabane de palmes de mon hôtesse, et, le soir, nous causons dehors à la lueur des étoiles, au vent doux de la mer, comme je n’ai pas causé depuis longtemps, sur les périodes intéressantes de l’histoire et même de l’histoire de Suède, dont les grands traits sont bien connus de ma-