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LA VIE DE FAMILLE

disant : « Toute la maison est à votre disposition ; vous êtes chez vous. Disposez de tout. La maison est à vous ; ce n’est pas un compliment. »

Nous dînâmes ensemble, Don Félix et moi. Il parle de madame de Carrera avec une sorte d’adoration. « Ah ! c’est une femme, une femme comme il y en a peu ! »

Trinidad, gentille négresse aux beaux yeux et parlant un peu le français, est ma femme de chambre. Le lendemain matin, lettre de madame de Carrera, avec invitation de venir la rejoindre sur la côte : dispositions pour y aller, et pour compagnon le plus joli et gracieux enfant, Adolphe Sauval, l’aîné des petits-fils de madame de Carrera, âgé de douze ans.

Nous partons. Course fatigante, d’abord en volante à travers le désert, en passant sur des souches et des pierres, ensuite dans une barque traînée par des hommes dans un petit filet d’eau presque annulé par des roseaux et autres plantes aquatiques. On marche avec une lenteur excessive et il fait horriblement chaud. Mon petit chevalier aux yeux noirs m’égaye et me console. « Nous ne tarderons pas à être mieux, nous approchons !… Dans un moment nous serons en eau plus libre ! » Cet enfant a été pour moi un véritable délassement pendant ce trajet sans fin qui dura trois heures avant que le filet d’eau se fût assez élargi pour former une petite rivière ; nous commençâmes à sentir la brise de la mer. Près de l’embouchure de ce cours d’eau, il y a un champ verdoyant sans arbres, avec quelques petites cabanes en écorce de bouleau, véritables cabanes de pêcheurs. C’est là qu’habitait la famille aristocratique que je venais voir ; elle y menait depuis quelques semaines une vie de camp pour faire usage des bains de mer.

Madame de Carrera en arrivait dans ce moment. Qu’elle