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LA VIE DE FAMILLE

faire des découvertes. Je suis endurcie depuis longtemps contre les regards surpris, les cris et les bonds des négrillons qui me suivent lorsque je suis seule.

Quelques cabanes couvertes de palmes, qui se trouvaient au centre des bosquets de platanes, m’attirèrent à une petite distance de la posada. Je pensai qu’il devait y avoir là des nègres libres, et ne me trompais pas. Je me trouvai bientôt dans une petite ville irrégulière dont les rues étaient formées par des cabanes d’écorces, des menues branches, avec petits jardins composés de beaux arbres et de belles plantes du pays. On voyait partout des cocotiers, des bananiers, et sous les arbres des négrillons complétement nus, qui sautaient et jouaient. Les négresses s’occupaient, ou étaient debout à la porte de leurs cabanes. Je me trouvais évidemment sur territoire africain.

« Bonjour, madame, » me dit-on, en français, de l’une des cabanes ; près de la porte se tenait une grosse négresse bien habillée, ayant l’air d’une invitation personnifiée. J’acceptai la sienne, fort contente de trouver à qui parler de ce peuple. Je vis dans la spacieuse cabane un vieux couple nègre à l’air le plus amical et gai qu’on puisse imaginer. Tout était propre, rangé, dans la chambre à coucher, la cuisine, le jardin ; la vieille négresse me conduisit partout en riant aux éclats à chacune de mes questions ou de mes remarques. Née à Saint Domingue, elle avait servi dans une maison française avant la Révolution, et s’exprimait très-imparfaitement en français ; cependant elle me donna bien des renseignements sur la position des nègres libres de cette petite ville. Ils paraissent satisfaits et heureux, se nourrissent avec le produit de leurs petits lots de terre, de leur menu bétail et de quelques travaux qu’ils font pour les habitants blancs de San