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LA VIE DE FAMILLE

troisième rang) aussi fâcheuse que possible, entourée de gens qui ne me comprennent et que je ne comprends pas. J’attends la volante de madame de Carrera pour me conduire à sa plantation, à cinq milles anglais environ d’ici. Elle n’a peut-être pas encore reçu la lettre par laquelle je lui annonçais le jour de mon arrivée, et la volante pourrait bien tarder un jour ou deux. En attendant, je ne suis pas « sans pain ni conseil, » comme dit le proverbe, car j’ai trouvé près du chemin de fer un petit Don espagnol qui sait épeler un peu de français et ne demande pas mieux que de m’être utile. Avec son assistance, mes gloses et mon dictionnaire espagnol, je me tire d’affaire. C’est ainsi que j’ai expédié une lettre de recommandation qu’on m’a donnée pour don Ildephonso Miranda, demeurant à trois lieues d’ici, en son cafetal en Alquizar. J’espère entendre parler de lui dans la journée, et pouvoir, grâce à son assistance, quitter ma fonda. Don Ildephonso, m’a-t-on dit, parle le français comme un Français, et c’est un cavalier accompli. Je t’écris maintenant dans une petite pièce nue, avec murs blanchis à la chaux et plancher de terre ; une chaise et une vieille table en bois pour tout ameublement. Le vent entre avec force par la fenêtre ; mais c’est le vent chaud de Cuba, je ne puis me quereller avec lui. Ma course en chemin de fer ce matin a été magnifique, et tout le long de la route brillaient les palmiers, les jolies fleurs des cafetals. Ce côté de l’île est célèbre pour ses plantations de café, dont cependant les beaux jours sont passés, puisqu’elles ne peuvent produire autant de café et de même quantité que les planteurs méridionaux de Cuba ; c’est pourquoi elles sont en détresse depuis quelques années. San Antonio de los Baños est une petite ville ou bourg célèbre pour ses bains et les belles