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LA VIE DE FAMILLE

dame Tolmé lui dit ; « Renonce à boire, et je te donnerai un pesos par semaine ; je les amasserai pour toi, et au bout d’un certain temps tu pourras racheter ton enfant. »

À partir de ce moment, le nègre ne s’enivra plus. Lorsque madame Tolmé, après une épreuve assez longue, lui paya ce qu’elle avait promis, en y ajoutant, « pour lui prouver, dit-elle, mon estime et ma satisfaction, » — un cadeau assez considérable pour lui permettre de racheter son enfant, il lui baisa les mains avec des larmes de joie et de reconnaissance ; il était hors de lui de bonheur, surtout parce qu’il voyait devant lui la possibilité de racheter aussi la mère de son enfant et d’en faire sa femme légitime. Cette espérance est en bonne voie de réalisation. En attendant, les deux époux et l’enfant ont des entrevues secrètes, et leur amour est aussi chaudement romantique et fidèle que pas un de ceux dont il est parlé dans les romans.

Du reste, madame Tolmé m’a confirmé ce que j’avais entendu dire de la bonté des maîtres espagnols à l’égard de leurs esclaves de maisons, du soin qu’ils prennent d’eux dans leur vieillesse.

Mais si l’on traite bien ceux-ci, il n’en est pas ordinairement de même pour ceux des plantations, que l’on considère comme des bêtes de somme. Je t’en ai déjà parlé.

La maison Tolmé est toujours remplie d’amour, de musique, de gaieté. Louise Tolmé est mariée maintenant, et, quoique à moitié enfant, elle va avoir son ménage.

Je viens d’être tentée de faire un voyage à la Jamaïque et à Mexico, l’exécution ne m’aurait offert aucune difficulté ; mais… Au surplus, je n’y aurais rien vu de nouveau, ce qui est pour moi la partie essentielle de mon tableau du Nouveau-Monde ; j’ai reçu avec netteté l’impression de son