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LA VIE DE FAMILLE

Le 22 avril.

Bonjour, ma bien-aimée ! Puisses-tu te porter aussi bien que moi ! Je me trouve admirablement de ma vie à l’hôtel. Je jouis d’une liberté complète, tout ce qu’on me donne est bon, et madame Mary ne me laisse manquer de rien. Je sors le matin de bonne heure et vais à ma chère Courtine de Valdez. Je regarde les flots se briser contre les rochers de Morro, je hume l’air de la mer et cause avec les lézards ; je visite ensuite quelques églises et vois la parade, j’écoute la musique, puis je rentre en passant par la Place d’Armes, où je m’arrête un moment devant le monument de Colomb, que je dessine ensuite à la maison dans mon album. Mais je suis obligée de faire mes observations avec beaucoup de prudence, car les sentinelles de la place commencent déjà à m’observer. On me soupçonne sans doute de méditer une « invasion. »

Le soir, tard, je me promène sur la terrasse supérieure, je vois la lune et le phare de Morro lutter à qui répandra le plus de lumière sur la ville et l’Océan, la Croix du Sud s’élever avec un calme majestueux bien au-dessus de l’horizon. J’adresse un regard d’amour à l’étoile polaire qui indique l’Océan dont j’entends le mugissement du côté de Morro, tandis que la musique militaire retentit joyeusement sur la Place d’Armes. Plus avant dans la nuit la vie harmonieuse de l’air et des sons est interrompue par les gardes de nuit de la Havane ; ils chantent d’une manière qui serait affligeante si elle n’était pas risible au suprême degré. Je n’ai jamais entendu pareille succession de notes fausses. Je ne puis m’en irriter, il faut en rire.