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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

éxtérieur beaucoup plus animal que les Lucomans. Les autres cabildos dans lesquels nous entrâmes ne nous offrirent rien de nouveau, et je finis par être très-fatiguée de ce bruit, ces cris, ce vacarme ; par la poussière, le chaos irrégulier de la danse et des mouvements de ces réunions. J’aspirais après de l’air pur, de l’eau limpide, ce qui engagea M. Faile à me conduire dans sa volante au port, comme je le désirais.

Le soleil se couchait. Nous demandâmes notre rameur de l’autre soir, Rafaël Hernandez ; il ne tarda point à venir, et nous nous promenâmes dans le port avec son joli bateau. Ah ! qu’il me parut agréable durant cette soirée de longer le rivage orné de palmiers, de respirer en silence cet air pur, de contempler la douce et transparente couleur de tous les objets ! Le rouge du soir répandait son éclat sur eux. Plus tard on alluma les lanternes du quai d’Alameda de Ponta, et d’autres qui longeaient le port. Elles éclairaient le rivage, se réfléchissaient dans l’eau limpide avec une merveilleuse clarté et transparence. Il me semble que la lumière et l’air ont ici un son ; j’entends pour ainsi dire leur pureté en même temps que je la vois, et je croyais maintenant être passée du chaos dans le monde de la lumière et de l’harmonie. Je dois dire cependant que toute salle de bal m’aurait paru obscure, pleine de poussière, étouffante, à côté de la rotonde naturelle formée par le ciel de Cuba.

Je demandai à notre rameur (il parle anglais et espagnol) s’il était satisfait de sa position. Il hocha la tête. « Les affaires vont mal. Je serai obligé un beau jour d’abandonner la ville et mon bateau. — Vous fumez trop de cigarettes, lui dis-je. — Rien que vingt par jour, madame, » répliqua-t-il en levant les épaules.