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LA VIE DE FAMILLE

bleau animé de la nature des populations et des mœurs méridionales. L’autre, négociant de New-York, grave et simple dans ses manières, est de ces hommes avec lesquels je me trouve bien et me sens dans une espèce de rapport fraternel.

Avec une véritable simplicité américaine, autant de calme et de bienveillance que s’il eût été mon frère, M. Faile m’a accompagnée dans plusieurs de mes petites excursions. C’est ainsi que, l’autre jour, nous nous sommes rendus au port, et que nous avons fait la traversée de « Casa-Bianca, » colline couverte de sauvages aloës à candélabres, et que nous avons vu de là un magnifique coucher de soleil. Nous nous promenâmes ensuite en bateau à l’ombre transparente projetée par les montagnes sur l’eau, et vîmes celle eau tomber en gouttelettes d’or et d’argent des rames. C’était une belle promenade, un peu troublée cependant par un Allemand ayant une assez bonne dose de la boursouflure que l’on rencontre parfois encore chez quelques Européens, mais rarement ou jamais chez les Américains. Son épaisse personne contrastait fortement avec mon compagnon, que sa simplicité rendait de beaucoup supérieur.

Ce que je voulais te raconter, c’est que je suis allée avec les deux Américains visiter les « cabildos, » ou salles de réunion des nègres libres de cette ville. Il n’y avait pas moyen pour moi de songer à y aller seule, puisque je ne savais pas l’espagnol. Les deux Américains s’offrirent pour m’escorter, M. C…, qui parle l’espagnol parfaitement, devait essayer d’obtenir notre admission dans ces salles, quoique, en général, les nègres libres ne permettent pas aux blancs l’entrée dans leurs réunions, et ne soient pas ici patients et subjugués comme dans les États-Unis.