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LA VIE DE FAMILLE

lette de bal, blanches, olivâtres et noires, avec leurs cavaliers, remplissaient la place de bonne heure dans l’après-dînée, et se promenaient en bavardant et riant ; les mulâtresses surtout se distinguaient par leur parure, les fleurs éclatantes, les ornements de leur tête, de leur cou, et se pavanaient comme des paons orgueilleux. On voyait que la foule s’attendait à un grand spectacle ; il eut lieu à la nuit, avec cierges et torches.

On portait la figure du Christ mort couchée sur un lit de parade, sous un lustre immense qui éclairait sa pâle et noble face en cire. Ensuite on portait Marie pleurant, en manteau bordé d’or, et une couronne de même métal sur la tête ; la seconde Marie et Marie-Madeleine avaient aussi des costumes éclatants. Cette procession nombreuse n’était pas dépourvue de pompe et de dignité. Parmi ceux qui la suivaient, je remarquai une foule de nègres avec de grands scapulaires blancs attachés en travers de la poitrine et aux épaules. On me dit qu’ils faisaient partie d’une confrérie consacrée à l’exercice des œuvres d’amour, de miséricorde, qui allait dans les hôpitaux.

Des milliers d’individus couraient joyeusement sur la place et dans les rues ; les noirs surtout, habillés de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. La scène était jolie ; mais il est impossible d’en représenter une moins convenable pour la circonstance. Pas le moindre souffle de gravité n’avait touché cette foule, et la procession prouvait incontestablement que « la religion était morte à Cuba. »

C’était hier jour de jeûne et de profonde tranquillité à la Havane. Aujourd’hui, de bonne heure, on a porté en grande procession l’image du Christ ressuscité, depuis la cathédrale jusqu’à l’église de Sante-Catalina. De cette dernière en est sortie une autre, portant Marie-Madeleine en