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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

C’est mon dernier soir à Matanzas, je partirai demain pour la Havane. J’ai passé la soirée seule avec mes hôtes ; j’ai entendu pour la dernière fois madame Baley jouer la « hauta Arragonesa », j’ai entendu pour la dernière fois « adeste fideles » joué sur l’orgue par M. Baley, et demain de bonne heure je quitterai Matanzas, ses beaux environs, ses bienveillants habitants. Il m’en coûte, mais il le faut. Jamais il ne m’arrivera de respirer un pareil air, d’entendre un pareil flot de musique joyeuse ; jamais je ne reverrai Yumori, Canima, ni Combre.

LETTRE XXXVI


La Havane, 15 avril 1851.

Bonjour, mon Agathe ; me voici de retour à la Havane et agréablement établie dans le joli hôtel de ce nom, où il fait maintenant un peu meilleur marché vivre depuis que le flot des voyageurs s’est retiré. J’ai repris ma chambre avec sortie sur le toit. La bonne madame Mary a soin de moi, et une Rosette noire aux beaux yeux me sert. Les Tolmé m’ont encore offert leur maison, mais elle est remplie d’enfants, de petits-enfants et d’hôtes. — Je n’ai pas voulu abuser de leur hospitalité. Du reste, je végète parfaitement ici avec la solitude et ma liberté.

C’est aujourd’hui jeudi saint, grande solennité catholique. J’ai visité ce matin plusieurs églises où il y avait beaucoup de monde. Les femmes étaient habillées comme pour un bal, et agenouillées sur de jolis tapis, en robes et