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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

prendre avec la plus grande facilité ; une fois captifs, les cucullos paraissent oublier qu’ils ont des ailes. Les enfants nègres courent après eux lorsqu’ils volent, les prennent et les martyrisent ensuite de bien des façons. M’étant avisée de tirer ces pauvres et sottes bêtes des mains de leurs persécuteurs, en donnant à ceux-ci quelques morceaux de gâteau, des douzaines de petits nègres se précipitèrent le soir sur la terrasse de plain-pied avec le grand salon, avancèrent leurs têtes frisées, tendirent leurs mains, sur lesquelles se trouvaient les insectes luisants, et criaient. Je veux bien en racheter quelques-uns de l’esclavage ; mais tous, un magasin entier de gâteaux n’y suffirait pas. Si l’on fait mine de chasser les négrillons, ils s’envolent comme une nuée de moineaux, en criant joyeusement (ils aiment à jouer), mais ils reviennent sur-le-champ. Fait-on semblant de ne pas les voir, ils se glissent dans le salon (quand il n’y a pas d’hommes), arrivent jusqu’au piano où mademoiselle Phinney joue des danses de Cuba, ou moi des polonaises suédoises, et tendent en riant leurs mains pleines de cucullos. Si je prends mon mouchoir en faisant un geste menaçant, ils disparaissent avec la rapidité du vent ; l’instant d’après les ramène.

Ces beaux cucullos sont, en vérité, des animaux bien tourmentés. Les nègres les mettent dans des flacons et des bouteilles, s’en servent en guise de lanterne et de lumière dans leurs chambres. Ils vivent ainsi pendant une semaine, jusqu’à ce qu’ils finissent par mourir de faim. Puissent-ils être aussi insensibles qu’ils sont étourdis !

La jeunesse de la maison et moi nous nous amusons le soir à donner la volée aux cucullos que nous avons pris ou rachetés. Ils sont parfois difficiles à persuader ; mais quand on les pose sur le bout du doigt et le tient en l’air,