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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

palmier sa noblesse et sa beauté, il faut anéantir sa vie. Les palmiers royaux ont toujours la tige droite et formant colonne. Celles des cocotiers au contraire sont penchées, courbées, beaucoup moins fortes que les tiges des palmiers royaux. Je les vois presque toujours richement chargés de fruits. On aime ici le lait de coco et on le considère comme un dépuratif du sang ; il ressemble à du petit-lait, mais il faut s’accoutumer à son goût pour l’aimer. L’homme ne mange pas les fruits des palmiers royaux ; on s’en sert pour nourrir les porcs. Le chou du palmier — nom que l’on donne à la partie de sa moelle la plus rapprochée de la couronne — est un morceau très-friand ; mais pour s’en emparer il faut sacrifier l’arbre,

Il y a aussi dans cette plantation de beaux boulingrins de palmiers royaux, dans lesquels je me promène matin et soir.

L’après-dînée, je fais avec mon hôtesse des excursions en volante dans le voisinage. Hier nous sommes allées chez une vieille dame française qui m’a intéressée par son individualité prononcée. C’était plaisir que de l’entendre raconter quelque chose, et de suivre ses expressions et ses gestes. En général, il me semble que les Européens ont ici beaucoup plus d’accent et d’articulation dans leurs manières que les Américains et les familles européennes transplantées depuis longtemps en Amérique. Les premiers parlent plus haut, accentuent fortement leurs paroles, rient, gesticulent davantage, paraissent plus puissants, font plus d’embarras. Les derniers se meuvent et parlent avec un accent extérieur insuffisant ; il y a quelque chose de silencieux dans leur vie, l’énergie est plus intérieure, c’est une force concentrée. La grande animation proprement dite des Américains paraît exister surtout dans