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LA VIE DE FAMILLE

les plus âgés bien habillés. Ils courent librement partout, et nous suivent quelquefois par bandes à la promenade. Les plus âgés portent les petits sur leur hanche gauche et soutenus par le bras gauche passé autour de leur corps orné d’un collier de perles. Je les vois se mouvoir et courir ainsi facilement ; les filles surtout s’en tirent avec beaucoup d’adresse, et j’ai souvent l’occasion d’admirer la délicatesse de leurs formes.

Les esclaves de cette plantation me semblent bien nourris et satisfaits. Ils ne demeurent pas dans un bohen fermé, ressemblant à une forteresse ; mais leur bohen est ouvert, et j’y ai vu des chambres qu’on peut comparer aux habitations des esclaves américains. Madame Phinney aime ses esclaves, donne des soins maternels aux faibles et aux malades.

C’est de ses lèvres pleines de douceur que sont sorties les paroles suivantes :

« On commet un grand péché en disant que les nègres sont mauvais. Il y a du bien et du mal parmi eux comme chez tous les peuples ; mais les mauvais sont les plus rares, et il y en a beaucoup de très-bons.

« Ceux qui croient le fouet nécessaire pour en obtenir le travail qu’on peut leur demander raisonnablement ne les connaissent pas, et les rendent souvent mauvais. Je ne puis exprimer ce que j’ai souffert, — j’ai été malade au lit pendant des semaines, par suite du chagrin que me causaient les coups de fouet, les nombreuses cruautés exercées envers ces pauvres gens, quand il aurait suffi parfois d’une parole amicale et grave pour les faire rentrer dans le devoir. Les nègres sont accessibles à la bienveillance quand on en fait usage avec raison. Ils peuvent devenir les meilleurs, les plus dévoués serviteurs et amis. »