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LA VIE DE FAMILLE

nant les plus belles espérances paraît avoir accablé le père et presque brisé le cœur de la mère ; une seule fille, délicieuse jeune personne, est restée.

Le 31 décembre, je suis sortie (toujours pluie, humidité et froid), bras dessus bras dessous avec le docteur, pour assister à une vente d’esclaves aux enchères qui avait lieu non loin de ma demeure, dans l’un des moins vastes emplacements où elles ont lieu à la Nouvelle-Orléans. Le plus grand est une magnifique rotonde, dont la voûte somptueuse serait digne de retentir des chants de la liberté. J’y suis allée une fois avec M. Harrison pour assister à une grande vente d’esclaves ; nous arrivâmes trop tard.

Nous entrâmes, le docteur et moi, dans une grande salle malpropre, passablement humide et froide, au rez-de-chaussée d’une maison où une foule de gens étaient réunis. Une vingtaine d’hommes ayant l’air de messieurs se tenaient debout en demi-cercle autour d’un tabouret élevé couleur de boue et vide pour le moment. Le long du mur étaient quelques noirs, hommes et femmes, silencieux et graves. Toute l’assemblée gardait le silence, on aurait dit qu’un nuage gris et lourd reposait sur elle ; par la porte ouverte sur la rue, on entendait tomber la pluie. Les messieurs me fixaient avec des regards obliques, sombres, et me souhaitaient probablement au pôle nord. Quelques autres entrèrent rapidement ; l’un d’eux, grand, un peu gras, était évidemment un « bon vivant. » Il monta sur le tabouret de vente. On voyait qu’il sortait de déjeuner, car il en avalait gaiement les derniers morceaux. Il prit le marteau, et, s’adressant à l’assemblée, lui parla à peu près ainsi :

« Les esclaves que nous allons vendre n’importe à quel prix forment une petite partie des esclaves de maison ap-