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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

élasticité, de ses passes hardies, de sa beauté sauvage et pittoresque. C’était la danse du Congo ; cependant Carlo ne l’exécuta point dans toute sa perfection. Fatigué par quatre mois de travail jour et nuit, ses membres manquaient évidemment de la force nécessaire. Il fut obligé plusieurs fois de s’interrompre, de se reposer, et, quoiqu’il recommençât bientôt après, il s’arrêtait de nouveau en hochant la tête avec bonhomie, comme s’il eût voulu dire : « Cela ne va pas ! » Son visage exprimait la force et la sensibilité, ce que j’ai souvent observé chez les nègres. Carlo Congo avait un petit bonnet de drap sur la tête, un collier de perles bleues et brillantes au cou, la partie supérieure du corps et ses bras musculeux nus ; leurs formes et leurs poses auraient mérité d’être étudiées par un artiste plastique. La dame de Carlo Congo avait les mouvements plus animés que ceux des danseuses nègres que j’avais vues jusque-là ; elle tournait avec adresse et vivacité. Carlo lui mit une petite branche de myrte entre les lèvres, et elle dansa en la tenant comme un oiseau aurait pu la tenir dans son bec.

Peu à peu le nombre des danseurs et des danseuses s’accrut. Les femmes elles-mêmes firent des invitations à danser, en donnant un coup de leur mouchoir de poche au cavalier choisi, et disposé sur-le-champ à accepter l’invitation. Quelques hommes s’agenouillèrent aussi pendant la danse. Ceci semblerait prouver que les mouvements adoptés de tout temps par le monde raffiné de la galanterie et de la chevalerie sont puisés dans la nature.

Des esclaves hommes et femmes dansèrent des solo en suivant la mesure des tambours, en tournant sur un point, baissant et relevant le corps. Ensuite vinrent les enfants nus, qui imitèrent parfaitement les danses qu’ils voyaient