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LA VIE DE FAMILLE

lée de trois chevaux de front, courait rapidement à travers ces nuages de sable, et Patricio, mon calashero, paraissait trouver de la jouissance à cette course sauvage.

C’est encore une fois dimanche, et celui où les esclaves auront quelques heures de repos. J’ai demandé aux deux maîtres d’ici, jeune et vieux, de leur permettre de danser ; nous verrons ce qu’il en sera. Le moulin est arrêté ; mais je vois les esclaves se rendre au travail, j’entends les claquements du fouet. La matinée est déjà bien avancée. J’écris en attendant avec impatience. Y aura-t-il danse ou non ? Je crains qu’on n’invente un prétexte pour changer la danse en travail. J’en serais affligée, j’en conviens ; car on m’a promis cette distraction, et ces pauvres gens ont besoin de s’égayer. Voilà — le tambour africain. — C’est la danse ; j’y cours.

Plus tard.

Elle n’a pas eu lieu cette fois sous le grand amandier, mais dans la cour brillante du bohen. Les musiciens et leurs tambours étaient rangés à l’ombre du bâtiment de la cuisine, et les danseurs en petit nombre. La danse fut du même genre que celle d’Ariadne Inhegno, et ne me présenta un intérêt nouveau qu’au moment où un nègre congo d’un certain âge, au buste herculéen, appelé Carlo Congo, se présenta. Il fit battre une autre mesure sur le tambour, et exécuta une danse dont les courbes, les tours et les frémissements auraient très bien fait sur un théâtre, même à l’Opéra de Paris, c’est-à-dire en représentant un satyre ou un faune, car cette danse n’avait pas un caractère plus élevé ; mais elle était admirable sous le rapport de la force du danseur, de sa souplesse, de son