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LA VIE DE FAMILLE

une couple de volailles pour le dîner, et tira d’abord de la cage un grand coq d’Inde. Je n’ai pu m’empêcher d’admirer la manière dont cet homme s’y est pris, tant elle était douce, humaine et sensée. Le dindon fut caressé un moment avec la main avant d’être saisi par la patte, et encore cela se fit avec tant de tranquillité, que l’oiseau, porté commodément à travers la cour, eut seulement l’air un peu étonné, et ne fit entendre qu’un petit son partant de la gorge, comme s’il eût voulu dire : « Que va devenir ceci ? »

Chez nous, lorsqu’il s’agissait de prendre une poule, toute la basse-cour était en révolution, et la poule hors d’haleine d’effroi avant de rendre l’esprit.

Du reste, les Espagnols ne sont pas remarquables pour leur humanité envers les animaux, et les gens de la campagne viennent souvent au marché avec des dindes, des poules attachées par les pattes, et la tête en bas, à la selle des chevaux. Cet usage barbare a été proscrit par M. Tacon, l’un des gouverneurs de Cuba, représenté comme un homme dur, et qui a détruit maint abus. Mais on ne tient pas compte de cette défense, et j’ai vu souvent des paysans à cheval, entourés de paquets de volailles ainsi pendues et parfois à demi mortes.




Non loin de Cardinas est un district appelé Havannavana, et presque entièrement habité par des nègres rachetés, au nombre de mille à treize cents. Ils sont presque tous agriculteurs en compte à demi avec des créoles espagnols, dont ils cultivent les petites fermes. J’aurais bien voulu y aller pour voir comment se gouvernent les