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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

intime avec l’arbre candélabre dont je t’ai déjà parlé. C’est une branche de fleurs sur un buisson de la famille des Aloès, qu’on appelle Peta. Elle croît sur la plante-mère (buisson à feuilles épineuses et rondes), fleurit tous les trois ans, et porte sur ses bras des glanes de fleurs d’un jaune gris qui donnent fruit dans l’espace de deux mois, après quoi elle se dessèche. Cette fleur est rarement jolie. Il y a ici deux Ceiba remarquables, l’un par sa beauté, l’autre par sa laideur et sa lutte tragique avec les parasites. Le long des champs de cannes, on voit ici des haies sauvages de haute taille composées d’orangers acides et de plusieurs espèces d’arbres des tropiques.

Pendant le moment le plus chaud de la matinée, je me tiens tranquille dans ma jolie chambre bien claire ; j’écris ou je peins. Vers l’heure du dîner, il m’arrive quelquefois de sortir, de faire un tour au bohen, ou bien je me place sous un mangolier près d’un carrefour pour saisir quelques souffles de vent. Après le dîner, je sors presque toujours en volante avec madame de Conick. Sa fille et M. W… nous accompagnent à cheval. Être balancé dans la volante ouverte et dans cet air divin, c’est une des jouissances les plus calmantes et les plus délicieuses qu’on puisse imaginer.

Le soir, la famille se réunit ; je joue des marches américaines et autres morceaux joyeux au vieux militaire qui se souvient alors des exploits de sa jeunesse et sent ses jambes paralysées reprendre une nouvelle vie. Plus tard, je vais sur la terrasse pour voir scintiller les étoiles, en aspirant cet air moins imprégné de vie qu’à Matanzas, mais toujours délicieux.

Au nombre de mes plaisirs, je compte celui d’épier les colibris dans le jardin. Le matin, et immédiatement après